Page:Eugène Le Roy - L’Ennemi de la mort.djvu/390

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regard, n’osant parler de l’enfant. Lui, de même, secoua négativement la tête, puis saisit dans ses bras la petite Noémi, qui depuis la disparition de son jeune frère était toujours morne et silencieuse.

Ils soupèrent sans mot dire et s’allèrent tristement coucher.

Le jour suivant, le docteur s’en fut à Saint-Michel remercier M. de Fersac qui, instruit de sa maladie par son collègue le maire de Castillon, avait fait passer de ses nouvelles à Sylvia.

Le pauvre comte était lui-même en piteux état. Daniel le trouva dans sa chambre assis sur un vieux fauteuil, les jambes allongées sur des coussins, dans l’impossibilité de se tenir debout ni faire un pas, la goutte l’ayant pris aux genoux et aux pieds. Ses mains n’étaient pas en meilleure condition.

— Excusez-moi de ne vous donner ni la droite ni la gauche ! dit-il au docteur en les lui montrant toutes deux, rouges, gonflées, avec des concrétions tophacées aux articulations des doigts.

Puis, il s’enquit de la santé de Daniel, et ensuite, ayant déploré l’enlèvement du petit Nathan, il émit des conjectures sur les ravisseurs. Les bohémiens, quoique fort coutumiers du fait, n’en étaient peut-être pas coupables. Leur présence dans le pays pouvait n’être qu’une simple coïncidence… ou bien en avait-on profité pour égarer les soupçons ?… Peut-être encore n’avaient-ils été que des stipendiés opérant pour d’autres…

Le docteur écoutait, pensif. Ces hypothèses, il les avait faites lui-même en apprenant, durant sa convalescence, que lors d’une recherche faite à Castillon pour un vol de poules aucun enfant étranger à la tribu n’avait été découvert dans le camp des nomades.