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rôle d’apôtre qui entreprendrait la régénération de la Double.

« Ah ! si j’étais à sa place !… » murmurait Daniel.

À ce moment, par une association d’idées naturelle, la pensée du jeune docteur se porta vers sa cousine Minna. Il la trouvait belle et il n’avait pu l’approcher sans éprouver le charme qui se dégageait de sa jeunesse et de ses « appas », comme on disait volontiers. Il se rappelait l’impression presque sensuelle que cette chair délicate avait produite sur ses lèvres, et il subodorait par le souvenir les effluves troublants de ce corps sain et gracieux. Il revoyait ces yeux inquiets, l’interrogeant avec détresse, et percevait encore le timbre cristallin de cette voix angoissée : « Mon cousin, je suis perdue ! » Et puis, après le pansement, comme ces beaux yeux rassurés le remerciaient par des regards plus doux et plus éloquents même que des paroles !…

Pendant que Daniel cheminait en rêvant, le soleil prêt à disparaître sous l’horizon lançait à travers les bois couronnant les coteaux ses derniers rais d’or. Puis le crépuscule descendit sur la terre. Dans les futaies, les oiseaux s’enjuchaient avec de furtifs bruits d’ailes, et, au fond des fourrés, sur leurs litaux et dans leurs tanières, les bêtes de rapine, sentant venir l’heure de la proie, commençaient à s’agiter. Enfin la nuit tomba et, tandis que le jeune homme songeait aux beaux yeux de sa cousine, la Jasse, de son pas sûr et cadencé, se guidait seule par les chemins et les sentiers des bois qu’elle avait si souvent parcourus avec le docteur Nathan.

Soudain, comme la bonne bête s’arrêtait court, le cavalier leva la tête et vit devant lui le grand portail du Désert.