Page:Eugène Le Roy - L’Ennemi de la mort.djvu/65

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qu’il dût recourir à un usurier comme ce Légé. Mais, puisque je connais les tiennes, eh bien, fie-t-en à moi, laisse-moi les arranger à ma façon : tu seras comme mon enfant ! fit-il en serrant le bras de Daniel attendri. Allons ! au revoir, mon fils ! ajouta-t-il, en faisant une brusque volte-face.

Et il s’en retourna sans attendre de réponse.

« Quel brave homme ! » se disait Daniel, en regardant le notaire, les poches de ses basques toutes gonflées de papiers suivant son habitude, qui redescendait à Saint-Vincent par un sentier d’ « écoursière ».

Et, remontant sur sa bête, il continua son chemin vers son logis.

Maintenant qu’il n’avait plus le souci pressant de ses affaires, son esprit libre ruminait les idées qui lui étaient venues, l’autre jour, en contemplant du moulin du Signal la fiévreuse et misérable Double. Il sentait bien qu’un effort individuel, isolé, serait sans doute impuissant. Et toutefois l’exemple, l’essai, dans une mesure même restreinte, des moyens d’assainissement général, pouvaient avoir des effets salutaires en appelant l’attention sur cette question que personne jamais n’avait osé aborder. Pour donner cette impulsion avec quelques chances de succès, grouper des bonnes volontés, secouer la torpeur administrative, vaincre les résistances des populations routinières, il aurait fallu un homme d’initiative, riche, influent, et résolu de consacrer son temps et son argent à une œuvre de salut public. Le cousin de Légé, fortuné, conseiller d’arrondissement, bien vu des autorités, aurait pu être cet homme ; malheureusement, son égoïsme, sa dureté de cœur, sa cupidité, le rendaient le plus impropre des notables à ce