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Page:Eugène Le Roy - La Damnation de Saint Guynefort.djvu/26

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tants émus épiaient anxieusement quel liquide allait sortir du goulot, il versa……

— Miracle ! Miracle ! — s’écrièrent tous les gens de la noce en voyant couler dans le verre un vin clair et vermeil.

— Buvez ! — dit le curé aux époux, — et que ce vin vous donne la force de porter les misères de la vie, et de résister aux tentations du Malin !

À leur tour, les parents et invités burent avec recueillement ce vin miraculeux :

— Il fleure la framboise, — faisait l’un.

— Point ; il sent la fleur de mars, — répliquait un autre.

— Tout de même, — disait le soir Guynefort à Nicolette, — il ne faudrait pas faire souvent de noces comme ça, autrement mon vieux vin de Saint-Pantaly aurait bientôt filé.

Ce miracle eut beaucoup plus de succès que le précédent. Ressusciter une mouche, ce n’était pas rien de bien utile, ni agréable, disaient les gens positifs. Mais transmuer l’eau en un vin exquis, c’était chose éminemment délectable, profitable, et celui qui avait ce pouvoir était un saint à adorer à deux genoux. Il n’est point besoin de dire que le brave curé fut vivement sollicité par quelques paroissiens amateurs de la bonne purée septembrale, ou tisane vineuse, de renouveler ce miracle ; mais il refusa, disant qu’il ne fallait pas tenter Dieu.

La fontaine où l’eau avait été puisée, en acquit une grande réputation, surtout lorsque non guères longtemps après, Guynefort eut guéri un enfant malade d’une mauvaise fièvre typhique, par des immersions prolongées dans