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Page:Eugène Le Roy - La Damnation de Saint Guynefort.djvu/27

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le bassin d’icelle. Ainsi le bon curé est l’inventeur du traitement de la fièvre typhoïde par l’eau froide, n’en déplaise à ceux qui croient inventer alors qu’ils ne font qu’imiter.

À la suite de cette guérison miraculeuse, les bonnes gens du pays en vinrent tout doucettement à considérer l’eau de la fontaine, comme ayant une vertu, non seulement curative, mais encore préservative. De toutes parts les mères accouraient, portant leurs enfantelets sur les bras et les « sauçaient » dans l’eau salutaire. Voyant cela, le curé toujours avisé, fit construire un petit édicule et mit sous clef la fontaine. De ce moment, les étrangers forains durent payer un denier pour en avoir l’usage, car les paroissiens trempaient leurs enfants gratis, par la politique habile de Guynefort. Mais peu à peu, par le cours du temps, des curés avares en vinrent à faire payer aussi les paroissiens, et par le renchérissement naturel des choses, augmentèrent beaucoup le prix.

Dans la première moitié de ce siècle passé, il en coûtait cinq sols pour plonger les enfançons dans l’eau de la fontaine, maintenant enclose dans le cimetière ; et moi qui vous parle, j’y ai été « saucé » par ma nourrice, à ce prix : — il y a soixante-cinq ans de ça, hélas !

Aujourd’hui il faut donner dix sous, ce qui est cher pour les pauvres gens ; aussi voit-on de temps en temps, par chez nous, la mère d’un petit drole malade, quêter avec icelui sur les bras, pour se procurer les dix sous exigés, non par le curé, il n’y en a plus, mais par le marguillier volontaire de la petite république religieuse de La Noaillette.

Prêtre ou laïque, les institutions profitables sont bonnes à garder.



Une vingtaine d’années après son arrivée à La Noaillette, Guynefort était en pleine possession d’une grande renommée de sainteté, qui