Page:Eugène Le Roy - La Damnation de Saint Guynefort.djvu/32

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que ce miracle pouvait être interprété comme un sinistre présage.

Sur ces entrefaites survint Nicolette, essoufflée, venant de porter charitablement la soupe à une femme ancienne et malade, demeurant dans les bois devers les Rebières. Interrogée pour savoir où était le curé qu’on n’avait pas trouvé chez lui, la sacristine apprit aux paroissiens que Guynefort était parti la veille sur son âne, pour aller prier avec les bons religieux du Dalon. Après quoi elle s’agenouilla, et remercia le Seigneur d’avoir fait apparaître le mérite et les vertus du curé Guynefort.

Pendant que tous priaient ou se congratulaient, on entendit au dehors des voix qui s’écriaient lamentablement. Le curé revenait, mais dans quel triste état ! Sans connaissance, inerte et maintenu par deux frères lais du Dalon, sur son âne, qu’un troisième frère menait par le licol. Ces braves frocards racontèrent à la foule empressée, que le « saint curé », — comme ils dirent, — avait eu un « coup de sang » le matin même à l’issue de table, au moment des grâces.

Transporté dans son lit, Guynefort trépassa au coucher du soleil, malgré les soins de plusieurs bonnes femmes ayant chacune leur remède infaillible, et les larmes de la pauvre Nicolette qui ne savait plus où elle en était. Il mourut déconfès, car nul n’eut l’idée d’aller quérir un prêtre pour un aussi saint homme.

Et après qu’il eut expiré, tous se remémorèrent les paroles de Mondissou qui s’acquit ainsi une belle renommée de sagesse.

L’enterrement du bon curé attira une foule immense à La Noaillette, et tous les assistants vinrent en une file interminable toucher le cercueil placé devant le chœur sur un theu funèbre. Le curé de Lachapelle-Saint-Jean, homme astucieux et fluet qui convoitait la succession du