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Page:Eugène Le Roy - La Damnation de Saint Guynefort.djvu/33

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défunt, s’était bénévolement offert pour prononcer son oraison funèbre. Il avait été agréé des paroissiens, car c’était un clerc à la langue si bien pendue, qu’on disait de lui que la matrone-ventrière qui lui avait coupé le filet, n’avait pas volé ses cinq deniers.

Ce curé donc, exalta jusqu’aux nues les vertus de Guynefort, et rappela ce trait touchant de son humilité, qu’il avait troqué contre un âne, sa jolie mule, présent du châtelain, ne voulant plus la chevaucher parce que son divin maître s’était contenté d’une bourrique. Ensuite ayant affirmé qu’on ne remplacerait jamais ce saint prêtre, le scélérat s’écria en guignant sournoisement Nicolette :

— Heureux qui lui succèdera !…

Et de fait il avait raison. Si la sacristine n’avait plus la taille flexible et la démarche ailée de la jeunesse, elle était toujours fraîche et accorte. Sa personne agréable était plus charnue, plus potelée, et par ainsi mieux en point pour tenter un grison de quarante-huit ans comme le curé de Lachapelle, qui en eût fait très volontiers ses dimanches et fêtes.

Lorsqu’arrivé à la péroraison de son discours, l’orateur levant les bras en haut, montra d’un geste inspiré, Guynefort introduit en paradis et colloqué au nombre des saints, il y eut une explosion d’enthousiasme, et toute l’assistance s’écria d’une commune voix :

C’EST UN SAINT !

À quoi le prédicateur répondit hardiment, que Dieu parlait par la voix du peuple de La Noaillette.

S’il eût su le latin, il eut dit ainsi que Guynefort lors de son élection à la cure, « vox populi, vox Dei » ; mais il était comme moi et comme