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Page:Eugène Le Roy - La Damnation de Saint Guynefort.djvu/39

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dédaigné de faire aux noces de Cana…… Enfin, faire refleurir ton bâton comme celui du compagnon Joseph !… tout cela n’est pas de la petite cervoise……

— Je le faisais en vue de la plus grande gloire de Dieu, — dit Guynefort un peu plus haut.

— Je te crois ! et à ton avantage.

— Chacun cherche le sien, — dit le défunt curé à qui la moutarde montait au nez ; — vous avez bien assez intrigué pour avoir le principat dans le collège des apôtres !

— Tu crois ça, mauvais imposteur !

— Oui ! et toi qui te mêles d’éplucher les autres, penses-tu qu’on ne sache pas toute ta conduite et tes palinodies ? Souviens-toi comment Paul te riva ton clou à Antioche !

— Ah ! tu es un partisan de Saül le bon-ami de Thècle ! — s’écria Pierre furieux.

— Parfaitement, Céphas ! c’était un autre homme que toi !

Ici le porte-clefs du ciel ricana ironiquement, et Guynefort reprit :

— En somme ma coulpe est petite. J’ai fait boire à de braves gens qui n’en avaient oncques tâté de pareil, une pinte de mon bon vin vieux de Saint-Pantaly…

— Et tourné méchamment en dérision le miracle de Notre-Seigneur !

— Ça vaut toujours mieux que de le renier trois fois, comme tu as fait, Barjone !

— Va-t-en au diable !

Et saint Pierre refermant brusquement le guichet, faillit guillotiner Guynefort. Heureusement il se retira vivement, et son nez qui dépassait un peu l’alignement fut seul légèrement éraflé.

Aller au diable, c’est fort bien ; mais encore faut-il savoir où il loge.

— Mauvais pêcheur d’eau douce ! — grommelait Guynefort en redescendant ; — et pense-t-il donc que le purgatoire soit fait pour les chiens !