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Page:Eugène Le Roy - La Damnation de Saint Guynefort.djvu/40

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Au pied de la montagne du paradis, le bon curé se trouva dans une vaste plaine marécageuse, obscurcie d’un brouillard épais et froid. Longtemps il erra au hasard à travers les nauves et les « rosières » où parfois voltigeaient des « eychantis » ou feu-follets. Enfin il arriva par cas fortuit, à l’entrée d’un pourpris immense fermé par un lourd portail bardé de clous. Ayant appliqué son œil à la serrure, Guynefort aperçut une innumérable foule de gens qui allaient et venaient sans but et sans ordre, dans un désert glacé, sans un arbre, sans un brin d’herbe. Tous avaient sur leurs figures pâles, une telle expression de froid ennui, que le défunt curé se dit en lui-même :

« Ces gens-ci ont l’air de s’embêter comme des rats morts… Pourtant, voyons un peu : »

Et il cogna du poing deux bons coups : pan ! pan !

La porte s’ouvrit, et une sorte de portier ou de gardien-chef, laid, jaune et rechigné, demanda :

— Qu’est-ce que vous voulez ?

— Entrer un peu pour voir comme on est là-dedans.

— Avez-vous un billet d’écrou ?

— C’est donc une prison, ici ?

— Sans doute, puisque c’est le purgatoire… Il faut bien savoir si vous en avez pour vingt-quatre heures, ou pour cent mille millions de milliards, de milliasses, de trilliasses d’années… votre billet le dira.

— Je n’en ai pas.

— Alors vous n’avez que faire ici. Il vous faut