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Page:Eugène Le Roy - La Damnation de Saint Guynefort.djvu/4

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Arrivé à la cime du terme, le quidam se trouva juste devant le chantier de l’église et salua les ouvriers. Ceux-ci lui rendirent honnêtement le salut et le considérèrent un instant.

De fait, l’homme en valait la peine. C’était un grand gaillard robuste, vêtu d’une robe de bure couleur de la bête, avec une pèlerine garnie de coquilles d’outre-mer et une capuce ou capuchon, qui lui servait de coiffure par le mauvais temps. Pour le moment, ce couvre-chef était rabattu sur l’échine de l’étranger, et laissait voir une tignasse drue et noire, comme aussi la barbe frisée qui lui montait quasi jusqu’aux yeux.

Le pèlerin s’assit sur un bloc de pierre, son bourdon en mains auquel était attaché une gourde, — que nous autres appelons, un « coujou », — et regarda faire les maçons qui avaient repris leur travail. Ils étaient quatre qui, avec un goujat, se galéraient à monter une grosse pierre d’angle le long d’un madrier en plan incliné. Voyant qu’ils ahanaient fort à ce faire, l’homme posa son bourdon contremont le mur et vint donner un coup de main aux travailleurs.

— Quartier ! — cria-t-il, — et la lourde pierre soulevée gagna un bon pied et demi.

— En vous remerciant ! — dit l’un des limosins au pèlerin, lorsque la pierre fut en place ; — vous n’êtes pas trop cassé !

Lui sourit. — Vous me semblez braves gens, dit-il. Je veux vous aider, même après que j’aurai repris mon chemin… Il vous faut une cabre, autrement à monter ainsi, pierres, mortier et bois, vous n’en finiriez pas, tout en peinant fort.

— Une cabre ? — dit l’un des ouvriers, étonné.

— La cabre et son mâle le bouc, sont mauvaises bêtes du diable ! — ajouta un autre.

Le pèlerin sourit de rechef. — Ne craignez point, bonnes gens. Un qui vient de terre sainte ne vous veut induire en damnable commerce