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Page:Eugène Le Roy - Le Moulin du Frau.djvu/15

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et rangés, mais de cœur généreux, accueillants aux porte-besace, serviables aux voisins dans la gêne, et qui, républicains fiers de leurs quatorze quartiers de meunerie, ne s’en laissent pas plus imposer par la grosse importance des bourgeois tout neufs que par les grands airs des hobereaux en bottes molles et en casquette à deux becs ; — M. Silain de Puygolfier, type du gentillâtre insouciant et dissipateur, chasseur de lièvres et de bergères, buveur, joueur, perdant aux cartes l’argent de la paire de bœufs qu’il vient de vendre sur le foirail ; sa fille, « la demoiselle », qui vieillit au logis, délaissée et charmante, regardant avec une mélancolie résignée les métairies, attachées de temps immémorial au castel de famille, s’en aller une à une aux mains des marchands de biens ; — le petit tailleur sec et taciturne qui, après avoir ruminé toute la semaine l’article socialiste de la Ruche en tirant l’aiguille sur son établi, s’évertue inutilement, dans les veillées d’hiver où l’on énoise, à catéchiser la tablée des métayères et des bouviers, lesquels réservent leur attention effarée à des histoires de l’autre monde : la chasse-volante, le loup-garou, la biche-blanche, contées en tremblant par le garçon-meunier Gustou ; — Nancy, la bâtarde de l’hospice ; la bonne Mondine, servante chez les Nogaret ; le facteur Brizon ; le rebouteux Labrugère ; et le curé,