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Page:Eugène Le Roy - Le Moulin du Frau.djvu/153

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avait passé dans le pays, il y avait une quinzaine. Il avait une entaille à la tête, faite avec quelque hache, et on vit à des traces dans le bois, qu’il avait été assassiné à un endroit un peu au-dessus, où on traversait la rivière sur des arbres soutenus par des fourches plantées dans l’eau. Mais ce fut tout ce qu’on put savoir. Les gendarmes d’Excideuil, le maire, le juge de paix, les gens de justice, personne n’y avait vu goutte ; en sorte que, comme le disait Gustou, il y avait un assassin dans le pays : peut-être nous le rencontrons tous les jours, disait-il, et il attend sans doute l’occasion de faire quelqu’autre mauvais coup.

Par chez nous, les gens sont farcis de toutes les vieilles superstitions ; ils croient aux revenants, au Diable, au Loup-garou qu’ils appellent Lébérou, à tout ; mais cela n’empêche qu’ils aiment mieux voyager de nuit que de jour : s’ils ont un charroi à faire, ils partiront de préférence le soir que le matin. C’est bien une économie de temps pour ceux qui sont pressés, mais il y a autre chose, nous aimons la nuit, qui repose du dur labeur de la journée ; et puis, je ne sais pourquoi, mais le paysan aime à voir briller par une belle nuit, les millions d’étoiles qui sont au ciel. Il semble que la nuit soit plus marquante, plus solennelle que le jour, aussi nous disons : À net, comme si nous comptions par nuits et non par jours, comme les anciens Gaulois.

Tout ça c’est pour dire que quoique les voisins ne fussent pas épeurés la nuit, lorsque Gustou parlait de cet assassin qu’on rencontrait peut-être tous les jours, il y en avait à qui ça faisait une impression, et qui ne semblaient pas pressés de s’en aller.

Le soir où nous énoisions, il vint une dizaine de personnes pour nous aider. Les deux vieux Jardon et Nancy, Lajarthe, le fermier de la Mondine au Taboury, la grande Mïette qui était descendue de