Aller au contenu

Page:Eugène Le Roy - Le Moulin du Frau.djvu/152

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

des Fénières. Ça s’était passé avant la Révolution, et c’était un noble des environs qui l’avait tué dans la forêt de Jumilhac, du côté de Saint-Paul. Pendant quelques jours, on ne savait ce qu’était devenu le prieur, mais il arriva qu’un chien rapporta une de ses mains, et l’anneau qui était encore à un doigt, fit reconnaître le corps, car les chiens et les loups l’avaient presque tout mangé.

Il savait aussi les histoires des voleurs fameux, comme Cartouche et Mandrin. Pour Cartouche, c’était un voleur et un assassin, et nous ne le plaignions guère d’avoir été roué. Mais ce brave Mandrin qui avec ses sauniers contrebandiers, se battait contre les soldats du roi, nous intéressait et nous trouvions qu’on aurait dû le gracier. Ça n’était pas un bas coquin, ce Mandrin, et sa mémoire n’est pas en horreur comme d’autres. Tant qu’il le pouvait, il faisait la guerre à cet abominable impôt du sel, et c’est ce qui a contribué à le rendre populaire.

Toutes les histoires de brigands lui étaient connues à ce brave Gustou, et il savait aussi tous les crimes célèbres du pays. Il les racontait bien, en les arrangeant un peu ; les plus anciennes tournaient au conte, et il avait trouvé moyen déjà, d’enjoliver celle de Delcouderc.

C’est en pelant tranquillement les châtaignes le soir, que Gustou nous disait ces histoires. Il y en avait une surtout qui nous intéressait beaucoup, parce que le crime avait été commis tout près de chez nous et qu’on n’en connaissait pas l’auteur. Il y avait quelques années seulement que le curé de Nanteuil, en pêchant à la ligne, à cinq ou six portées de fusil au-dessus du moulin, avait amené une pincée de cheveux. Là-dessus on avait plongé, et on avait ramené un homme pris dans des racines de vergne. La figure était toute mangée par les poissons et on ne connut qu’aux habillements que c’était un porte-balle qui