Aller au contenu

Page:Eugène Le Roy - Le Moulin du Frau.djvu/155

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

avant le soleil levé, et il disait que ces herbes guérissaient les fièvres, en les mettant sur le poignet gauche.

Ah ! il n’aimait pas à entendre chanter le coucu, pour la première fois de l’année, s’il n’avait pas déjeuné ; ni à trouver des graules ou des geasses, à sa gauche : ni à ouïr clouquer une chouette sur la maison, car il disait que ça annonçait la mort ; ni à rencontrer en partant en route, la vieille Catissou de chez Méry qui était mal jovente. Jamais on ne lui aurait tiré de l’idée, que les eychantis ou feux-follets, qui voltigent dans les cimetières, c’était des âmes en peine, et il était persuadé que les étoiles tombantes c’était des âmes de petits enfants morts sans baptême. Si notre Mondine avait voulu faire la lessive dans le mois des morts, il serait parti plutôt ; mais elle s’en serait bien gardée, car elle croyait comme lui, que ça faisait mourir les hommes de la maisonnée.

Et lorsqu’il allait à une foire pour quelque affaire, il ne manquait pas de lever avec son couteau un petit copeau de la croix de bois qui est plantée le long de l’ancien chemin appelé La Pouge, qui passe à un quart de lieue du moulin, à la rencontre de celui d’Excideuil, et qu’on appelle : la Croix-du-mort.

À table, avant d’entamer le chanteau, il faisait toujours une croix sur la sole avec la pointe du couteau. Pour lui, le vendredi était un mauvais jour, et si mon oncle l’avait laissé libre, il aurait fait jeûner les bœufs le vendredi saint, comme ça se faisait encore dans quelques maisons.

Si on vendait un veau, il fallait le faire sortir à reculons de l’étable pour que la vache ne dépérît pas ; il faisait semer le persil par un pauvre innocent du bourg qui venait des fois au Frau, dans la croyance qu’il réussirait mieux. Pour garder les bœufs de maladie, il mettait un peu de sel aux quatre coins