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Page:Eugène Le Roy - Le Moulin du Frau.djvu/156

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de notre pré. Lorsque nous bladions, il portait le blé de semence dans la touaille de la Noël pour qu’il vînt bien ; et quand le blé était épié, il mettait une rane de buisson dans un pot de terre et l’enterrait au milieu de la pièce pour empêcher les oiseaux de manger le grain. Il disait aussi qu’il ne fallait pas acheter des mouches à miel si on voulait qu’elles réussissent bien, mais les échanger contre autre chose.

Ce soir-là, il raconta de ses histoires longuement. Il n’avait pas affaire à des incrédules, mais quand même, il n’y avait pas moyen de douter de ce qu’il disait, car il expliquait point par point le pourquoi et le comment des choses, et nommait les gens à qui c’était arrivé.

Aussi, lui, pas plus loin que l’hiver d’avant, entrant de bon matin dans l’écurie, il avait trouvé notre jument toute en sueur, comme si elle venait de travailler à force ; et elle était avec ça bien pansée, et sa crinière était joliment tressée : qui avait fait ça ? Le lutin, bien entendu.

Et le Diable ! qui donc avait fait blanchir les cheveux de Tuénou de la Mariette, si ce n’est lui ? Tuénou rentrait un soir, ou pour mieux dire une nuit, du marché de Thiviers, où il s’était attardé à boire dans une auberge, avec un homme de Saint-Jean-de-Côle. Il traversait la lande des Fachilières, d’un bon pas, content de lui comme un homme qui a bien soupé, lorsque arrivé à la friche du Cimetière-des-Boucs, il vit à quatre pas de lui, planté à la cafourche du chemin un grand homme noir dont les yeux luisaient comme des chandelles. Épeuré, il voulut rebrousser chemin, mais derrière lui, marchait sur ses talons un chat noir, gros comme un fort chien, la queue droite en l’air comme un cierge, qui vint se frotter à ses jambes, en faisant son ronron, tandis que le diable ricanait d’une voix creuse