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Page:Eugène Le Roy - Le Moulin du Frau.djvu/159

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ment, quand tout d’un coup, environ la minuit, je sens quelque chose de mou qui me montait sur les pieds. Je crus d’abord que c’était quelque chatte qui était entrée au moulin, et je donnai un coup de pied pour la faire descendre. Mais je sentais toujours cette chose molle sur mes pieds. On n’y voyait brin, et je la sentais monter, monter toujours, et la voilà qui s’étend sur moi et me pèse sur l’estomac…

— Oh ! Gustou ! faisaient les filles avec des petits cris effrayés.

Mais lui continua, suspendant le bruit des maillets :

— Je ne pouvais plus respirer ; j’étends les bras et je l’empoigne : mais c’était comme si j’avais fouillé dans un lit de plume, tant c’était doux et mou : je n’y faisais rien. Mes bras s’enfonçaient jusqu’au coude dans cette sale créature, comme dans la pâte de la maie, et ça s’attachait tout pareil à ma peau. Tout de même je finis par la prendre au cou et à la serrer bien fort ; mais j’avais beau serrer, serrer, je la sentais qui me glissait entre les mains, tout petit à petit, et s’échappait… Je m’assis alors sur le lit, et j’entendis quelque chose qui marronnait du côté de la porte, et puis je n’ouïs plus rien : la bête était repartie sans bruit par le trou de la serrure.

— Hé bien, que dis-tu de ça, Lajarthe ?

— Je dis que tu avais mangé quelque chose qui te pesait sur l’estomac et que ça t’a donné le cauchemar.

— C’est ça ; et la bête que j’empoignais ?

— C’était ta courte-pointe.

— Et ce qu’elle marmonnait en s’en allant ?

— C’était quelque chatte sur la tuilée.

— Voilà ! dit Gustou ; j’ai bien raison de dire que tu ne crois à rien. C’est une chose qui m’est arrivée à moi-même ; tu sais que je ne suis pas menteur, et avec ça tu ne me crois pas.

— C’est, dit Lajarthe, que tu tournes les choses