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Page:Eugène Le Roy - Le Moulin du Frau.djvu/158

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ont vu des choses comme dit Gustou. Le curé parle d’ailleurs souvent du diable qui tourne autour de nous, comme un loup, pour nous manger.

— Mais mon pauvre, ça c’est une manière de parler, dit Lajarthe, ça ne veut pas dire qu’il se montre là en personne…

— Comment ! dit un garçon du bourg qui avait servi la messe du curé pendant deux ou trois ans ; mais quand le Diable emporta le bon Dieu sur une montagne pour le tenter, comme c’est dit dans l’évangile, il était bien là réellement présent en chair et en os, dis Lajarthe ?

Le pauvre tailleur ne répondit rien, et se contenta de regarder sérieusement mon oncle.

— Que veux-tu, mon pauvre Lajarthe, dit celui-ci en riant, tu es né une cinquantaine d’années trop tôt.

— Lajarthe est un huguenot, dit le métayer de Puygolfier ; et tous les énoiseurs se mirent à rire.

Moi, je n’écoutais pas Gustou ; j’aimais mieux regarder Nancy et lui parler. D’ailleurs, je connaissais tout ça, et si, étant petit, j’avais eu peur de ses contes de vieilles, maintenant ils me faisaient rire.

Mais deux ou trois filles, à qui ces histoires faisaient passer le froid dans le dos, priaient Gustou d’en conter d’autres : c’était le convier à noces ; aussi il ne se fit pas prier et continua :

— Vous avez tous ouï parler du Chaoucho-Vieillo ; c’est un esprit malin qui vient vous tracasser la nuit, tandis qu’on dort. On a beau fermer la porte, il passe par le trou de la serrure. Il s’approche sans bruit, monte sur le lit par les pieds, et se couche sur vous pour vous étouffer. Ça m’est arrivé à moi-même ; on ne peut pas dire que ça s’est passé loin d’ici, et on ne sait à qui : c’est dans mon lit, au moulin, et à moi.

Je m’étais donc couché et je dormais tranquille-