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Page:Eugène Le Roy - Le Moulin du Frau.djvu/167

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nous entendre. Un soir, en arrivant à sa porte, je l’embrassai par surprise ; elle ne fit pas comme des filles qu’il y a, qui donnent des gifles, elle ne dit rien, mais le lendemain lorsque je voulus recommencer, elle était sur ses gardes et me dit en riant qu’il ne fallait pas s’embrasser si souvent.

Notre pauvre Mondine resta comme ça quelque temps à traîner dans le coin du feu, chafrouillant dans les braises avec un bâton, mais enfin il lui fallut se mettre au lit. Elle n’avait pas voulu voir de médecin jusque-là, disant que ça passerait, mais quand elle fut au lit, nous fîmes venir le médecin de Savignac qui nous dit en partant qu’il n’y avait point de remède, et qu’elle achèverait de s’en aller tout doucement.

Quand elle se vit au lit, la Mondine connut bien que c’était sa fin, et elle nous dit de faire venir le notaire pour arranger ses affaires.

M. Vigier, de Saint-Germain, vint en effet le lendemain avec ses témoins, et fit le testament. Après qu’il fut parti, la Mondine me fit demander, et, quand je fus là, près de son lit, elle me dit que n’ayant sur terre aucun parent, vu qu’elle n’avait connu ni père ni mère, elle me laissait tout ce qu’elle avait, ne me demandant que deux choses : la première, d’être enterrée auprès des Nogaret, puisqu’elle avait vécu auprès d’eux toute sa vie ; et la seconde, de lui faire dire une messe tous les jours de bout de l’an de sa mort.

Je lui promis tout ça et je la remerciai, comme bien on pense. Alors elle ajouta que ce qu’elle en faisait, c’était pour me faciliter à me marier, si je venais à aimer une fille plus riche que moi ; ou bien pour n’être pas obligé de regarder à quelque millier d’écus pour prendre une fille à mon goût.

Après cela, elle me demanda d’aller quérir le curé Pinot. Je l’embrassai, et j’y fus.