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Page:Eugène Le Roy - Le Moulin du Frau.djvu/174

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— Sortons, fit-elle, allons chez ma tante.

— Dansons cette bourrée avant, ma Nancy.

Après la bourrée, je l’accompagnai jusque chez sa tante, comme elle appelait la sœur de sa mère nourrice, et en chemin elle me fit raconter ce qui s’était passé. Alors elle me pria de m’en aller avant la nuit, de crainte que ce grand penlant ne m’attendît dans les chemins pour me donner quelque mauvais coup. Moi, qui avais compté passer la soirée à nous promener et à danser avec elle, ça ne m’allait pas du tout, mais elle me dit que ça ne me servirait de rien de rester, parce qu’elle ne sortirait plus de chez sa tante.

Je me décidai alors, et je lui dis que j’allais m’en aller, mais à la condition qu’elle m’embrasserait. Nous étions dans un chemin creux, derrière les haies, et personne par là : elle ne dit rien, et alors la prenant dans mes bras, je l’embrassai deux ou trois fois, tandis qu’elle fermait les yeux à demi, et je m’en allai.

Tous ces caquetages que nous avions ensemble, par-ci, par-là, et mes petites ruses pour rencontrer Nancy, ne pouvaient faire autrement que d’être vus. Mon oncle s’en doutait bien, mais il ne faisait semblant de rien. La mère Jardon s’en était aperçue dès longtemps ; mais comme elle savait sa fille sage, elle ne lui en avait pas parlé. Mais lorsque le vieux Jardon s’en donna garde, ça fut le diable. Comme il était d’un caractère dur et rude, la pauvre Nancy n’était pas à noce. À l’entendre, et c’était sa principale raison d’avare, comme j’avais du bien, je ne pouvais vouloir que m’amuser d’elle qui n’avait rien, et la laisser ensuite. Et il lui disait qu’elle n’aurait que ce qu’elle méritait en m’écoutant ; qu’on la montrerait au doigt ; enfin, un tas de mauvaises raisons, et de méchantes prédictions. La pauvre fille ne me disait rien de tout ça, mais je la trouvais triste et je ne savais que penser.

Sur ces entrefaites, Gustou, rentrant un jour de