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Page:Eugène Le Roy - Le Moulin du Frau.djvu/175

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tournée, me dit qu’il avait vu, dans les Bois-Noirs, Nancy qui gardait ses brebis, et que M. Silain, qui chassait par là, s’était arrêté longtemps à lui parler.

Là-dessus je me dis que bien sûr, ce grand mange-tout la pourchassait ; ça me mit en colère contre lui, et je me promis de le savoir au juste avant peu. Pour ce qui est d’elle, je n’avais aucun doute ; il n’y avait qu’à la voir pour connaître que c’était une honnête fille, incapable d’écouter un autre homme que celui qu’elle aimait, et il fallait être une vieille méchante bête, comme le père Jardon, pour faire de mauvaises suppositions sur elle.

Pour savoir à quoi m’en tenir sur M. Silain j’épiai Nancy, et trois ou quatre jours après, ayant vu où elle menait ses bêtes, j’y fus par un chemin détourné. Elle fut étonnée tout d’abord ; mais je lui dis que j’allais voir si la bruyère était bonne à couper dans un bois que nous avions par là, et nous nous mîmes à causer. J’étais là depuis un moment accoté contre un gros châtaignier, quand tout d’un coup les brebis arrivèrent au galop, épeurées, et puis se retournent tout d’un coup, firent front toutes à la fois du côté d’où elles venaient, comme c’est la coutume de ces bêtes. Nancy qui était en face de moi leva la tête et me dit assez bas : C’est M. Silain et ses chiens.

Lui approchait, ne me voyant pas, et lorsqu’il fut tout près, il dit sur un ton aimable :

— Hé bien ! petite Nancy ! es-tu toujours méchante ?

En ce moment, il dépassa le châtaignier et me vit. Il devint rouge comme la crête d’un coq.

— Ha ! ha ! maître Hélie, tu cours après les bergères !

— Mais au moins, Monsieur Silain, lui répondis-je, en riant, c’est de mon âge.

Il resta étonné comme un fondeur de cloches, et