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Page:Eugène Le Roy - Le Moulin du Frau.djvu/257

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peines ; dès le lendemain il vint un individu qui réclama de l’argent prêté à M. Silain, et montra une reconnaissance qu’il lui avait faite. Comme il n’y avait point d’argent à Puygolfier, il s’en retourna en menaçant. Après celui-là, il en vint d’autres, et pendant quelque temps ce fut une procession de gens à qui il était dû peu ou prou. Et ça, sans parler de Laguyonias qui venait pour le moins deux fois par semaine apporter du papier timbré. Il était content le vieux coquin, il voyait qu’il gagnerait gros sur les affaires de Merlhiat et d’autres. C’est dans ces débâcles, lorsque les gens étaient morts, qu’il n’y avait plus dans la maison que des femmes n’entendant rien aux affaires, ou des petits enfants, c’est là qu’il faisait ses orges.

La grande Mïette vint un soir, en cachette de sa demoiselle, nous raconter tout ça. Ma femme en pleurait de compassion, et moi, ça me mit dans une colère noire après ce Laguyonias et d’autres vauriens : — Écoute, dis-je à mon oncle, maintenant que la grange est finie, que nous avons des métayers à la Borderie, tu n’as plus tant d’ouvrage. Gustou et moi nous ferons aller le moulin tout seuls, il faut que tu t’occupes des affaires de la demoiselle, autrement elle sera volée, pillée, et on ne lui laissera que les yeux pour pleurer. Il y a des dettes, pardi, qui sont véritables, mais il doit y en avoir qui sont autant de voleries ; il faut tirer ça au clair.

— Ça n’est pas une petite affaire, dit mon oncle, et ce n’est pas un amusement ; mais je me le reprocherais toute ma vie si je ne le faisais pas ; va-t-en avec la Mïette et dis à la demoiselle que j’y monterai demain matin.

Lorsque j’entrai dans la cuisine, je vis la pauvre créature au coin du feu, toute pâle, toute maigre et les yeux rouges : — Ah ! mon pauvre Hélie, c’est toi, fit-elle en pleurant : je suis bien malheureuse, va !