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Page:Eugène Le Roy - Le Moulin du Frau.djvu/274

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français, ça n’en valait pas la peine. Il fallait que ça fût un de ceux qu’on regardait comme un des principaux du parti dans le canton, et un paysan, comme tous ces paysans qu’il s’agissait d’épeurer, pour leur faire voter l’Empire.

Quand il travaillait dans les environs, Lajarthe venait souvent à la veillée pour savoir si nous avions des nouvelles et bon espoir. Et il s’en allait toujours en disant : — Ces brigands-là finiront bien sans doute par le lâcher ! Mais on voyait bien qu’il avait peur que non.

Un soir, nous étions là tous autour du foyer, et après avoir tourné et retourné toutes les chances et malchances, nous ne savions que croire, et nous regardions les braises que je tisonnais avec un bâton. On n’entendait au dehors que le bruit de l’écluse et au dedans que le lent tic-tac de la pendule, quand tout à coup nous entendons monter l’escalier. C’est lui ! pensâmes-nous tous en même temps, et nous voici tous debout, tandis que la porte s’ouvrait. Déjà Nancy était crochée autour de son cou, et l’embrassait sans rien dire en pleurant, et elle ne le lâchait plus, comme si elle eût crainte qu’on revint le chercher. Lui, l’embrassait tout doucement au front en la tenant par la taille, et enfin il la ramena vers le foyer avec de bonnes paroles. Alors ce fut notre tour et nous l’embrassâmes tous, ma foi, jusqu’à Gustou, jusqu’à Lajarthe, quoique nous autres paysans nos ne soyons pas de grands embrasseurs. Comme le petit Lélie dormait, mon oncle alla lui faire un poutou dans le lit.

Après ça, ma femme lui appareilla à souper, mais il n’avait guère faim et ne mangea qu’un tout petit morceau de quartier d’oie passé à la poêle. En mangeant, il nous raconta comment ils étaient traités à la prison, et c’était assez mal. Ils étaient là plusieurs, enfermés ensemble dans la même chambrée, pour la