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Page:Eugène Le Roy - Le Moulin du Frau.djvu/285

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toujours très bien, je pensais que peut-être nous nous étions trompés. Mais Gustou répondit de suite à Pasquetou que c’était la troisième ou quatrième fois que lui y coupait la bruyère, sans parler des plus anciens de la maison, et que jamais il n’avait rien dit. Mais l’autre riposta que, s’il ne connaissait pas son droit auparavant, maintenant qu’il le connaissait, il voulait le faire valoir ; et il ajouta que nous venions jusqu’au chemin qui s’en va vers Roulède. Gustou alors lui dit qu’ils étaient d’accord sur ça, mais que nous n’avions pas dépassé le chemin : à quoi Pasquetou répliquait que nous l’avions dépassé.

Pour faire comprendre ça, il faut dire que pour éviter un endroit un peu creux où l’eau s’assemblait, et où il y avait toujours de la fange, les gens qui passaient par là avec leurs charrettes avaient pris l’habitude de couper dans notre bois pour aller rejoindre, à cinquante pas de là, le chemin qui tournait un peu sur la droite. Comme il y avait longtemps que les gens faisaient comme ça, ce passage était devenu un véritable chemin bien frayé, pendant que la palène et la bruyère venaient dans le vrai chemin, mais pas assez tout de même pour qu’on ne le vit bien. Nous n’avions jamais rien dit aux voisins ; c’était un peu de bruyère perdue, mais ça ne valait pas la peine d’en parler.

Quand je vis que Pasquetou s’entêtait à ça, et qu’il voulait nous faire lâcher de couper la bruyère, je lui dis de nous laisser tranquilles, et que, s’il avait des droits comme il le disait, il n’avait qu’à marcher.

Et en effet, il marcha, Pasquetou, et ça nous étonnait grandement, vu que nous avions toujours été bons voisins ; mais nous pensions qu’il y avait quelqu’un qui le poussait. Le terrain disputé n’en valait pas la peine ; il faisait un tiers de quartonnée, et ne valait pas cher, car il n’y avait pas de châtaigniers