Page:Eugène Le Roy - Le Moulin du Frau.djvu/286

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dessus. Il y en avait eu un autrefois, mais il n’en restait plus que la souche pourrie recouverte de terre et d’herbes. Ce châtaignier avait fait la limite autrefois, mais comme il n’existait plus, Pasquetou se fondait là-dessus, pour soutenir que notre limite était un gros châtaignier, contre lequel passait le chemin que les gens avaient fait chez nous.

Quoique ça fût peu de chose, quand on a droit, on ne veut pas se laisser manger par un mauvais voisin ; et, devant le juge de paix, mon oncle déclara que, depuis qu’il avait souvenance, les siens et lui avaient toujours coupé la bruyère sur cet endroit sans contestations, et que nous continuerions à faire de même, jusqu’à ce que les tribunaux en auraient autrement ordonné.

Quelque temps après, vint au moulin ce gueux de Laguyonias, qui nous porta une assignation devant le tribunal de Périgueux ; nous voilà obligés de prendre un avoué, un avocat et de plaider.

Nous ne manquions pas de témoins qui nous avaient toujours vus couper la bruyère sur le terrain en question ; mais pour le passage, les uns ne se rappelaient pas bien où était le vrai chemin ; d’autres n’avaient jamais passé que sur celui qui traversait notre bois. Le cadastre ne le marquait pas, en sorte que nous n’avions, pour soutenir notre droit, que la preuve de la jouissance.

Mais Pasquetou produisait un titre, où il était dit que son bois venait jusqu’au chemin qui était entre nous deux, et que ce chemin passait de notre côté, à raser un vieux châtaignier à trois mars, ou maîtresses branches, qui était sur notre fonds. Comme justement le châtaignier qui restait alors en avait trois, il se fondait là-dessus.

À l’audience, les gens de loi lurent des papiers à n’en plus finir, comme s’il se fut agi d’une affaire bien importante. Après ça, l’avocat de Pasquetou se leva