Page:Eugène Le Roy - Le Moulin du Frau.djvu/313

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que chacun fût chez soi ; mais elle venait souvent chez nous, principalement pour voir les enfants, qu’elle aimait beaucoup.

Je crois que cet enterrement fut le dernier que le curé Pinot fit dans la paroisse. Il fut forcé de s’en aller quelque temps après, rapport à sa nièce prétendue. Jamais mon oncle ni moi, nous n’avions parlé à personne de ce que m’avait dit son pays, Ragot le rétameur, là-bas sous l’orme de la place d’Hautefort. Mais comme ce Ragot venait tous les ans faire sa tournée, jusqu’à Cubjac, Excideuil et Tourtoirac, sans doute il en avait parlé à d’autres, car on commençait à en babiller dans le pays. Les uns soutenaient ferme que ce n’était pas sa nièce, pour l’avoir ouï-dire seulement, d’autres qui ne le savaient pas davantage, soutenaient aussi ferme, que c’était bien sa nièce et que tous ces bruits c’était des méchancetés : c’est comme ça, que les trois quarts du temps, les gens parlent plutôt selon leur idée, que selon la vérité. Les dames de la paroisse, et les gens comme il faut, disaient qu’il n’y avait que des impies, des malhonnêtes gens, qui pussent dire des choses pareilles. M. Lacaud, lui, parlait de verbaliser et de dénoncer au procureur de Périgueux, les canailles qui débitaient ces calomnies. Les gens qui n’avaient aucun parti pris, ni d’un côté ni de l’autre, ne savaient trop que croire de tout ça, lorsqu’une farce vint faire découvrir le pot aux roses.

Il y avait dans le pays, à une heure de chemin du bourg, un noble, vieux garçon, appelé M. de Cardenac, qui était un bon vivant, point méchant du tout, mais aimant bien à rire et à faire de ces grosses farces, comme on en faisait autrefois chez nous. Le curé et lui étaient grands amis, dînaient de temps en temps l’un chez l’autre, et faisaient ensemble la bête hombrée avec les curés des environs, en sorte qu’ils ne se gênaient point entre eux. Le jour de Notre-