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Page:Eugène Le Roy - Le Moulin du Frau.djvu/316

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lorsqu’on leur parlait de ça, mais leurs gestes désolés et leurs paroles affligées, n’arrangeaient rien. Pour faire cesser ce scandale, dont riaient les impies et les libertins, l’un d’eux prévint l’évêché, et le pauvre curé Pinot, mandé par Monseigneur, fut tancé de la bonne façon, et puis envoyé dans le fond du Nontronnais, prêcher la continence à d’autres ouailles.

Quand M. de Cardenac vit la tournure que prenait cette affaire, il regretta bien assez de n’avoir pas tenu sa langue ; mais il était trop tard. Pour réparer autant qu’il était possible, le mal qu’il avait fait, comme c’était un bon homme, il prit la demoiselle Christine, sans place, comme gouvernante. Cet arrangement allait assez à la demoiselle grandement fatiguée du curé, lequel n’était guère aimable, mais il ne convenait pas à celui-ci, qui était un peu jaloux : pourtant il lui fallut bien en passer par là, ou par la porte, comme on dit, car il ne pouvait plus garder son ancienne nièce avec lui, et il lui était même interdit de la revoir.

Quand le nouveau curé fut arrivé, on ne tarda pas à connaître, que nous avions troqué notre cheval borgne pour un aveugle. Le curé Pinot était bien braillard, surtout en temps d’élections, et bien mauvais quelquefois, lorsqu’il s’agissait de ces canailles de rouges, comme il disait. Mais depuis que ceux-ci étaient réduits à rien, et que sous la surveillance des gendarmes, du commissaire du canton, et des maires, ils ne bougeaient plus, de crainte d’aller en prison, ou pire, il s’était radouci un peu. Pour le reste, la danse, la viande les vendredis et samedis, la messe, la confession de Pâques, il faisait son métier, mais n’était pas des plus terribles. Il aimait à être tranquille, et ne se faisait pas de mauvais sang pour toutes ces choses : pourvu que ça allât à peu près, en gros, c’était tout ce qu’il demandait.

Mais le curé Vignolle qui le remplaçait, c’était autre