Page:Eugène Le Roy - Le Moulin du Frau.djvu/315

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curé et sa nièce commençaient à trouver ça étonnant. On avait eu beau chercher partout, impossible de savoir ce qu’elles étaient devenues. Quinze jours se passent ainsi, et, comme la nièce avait conté l’affaire aux voisines, on en parlait dans le bourg, et, il y en avait qui disaient que le Diable avait bien pu faire ce tour, pour induire la demoiselle Christine, et possible le curé lui-même, en péché d’impatience et de colère. Mais d’autres, comme Migot et le fils Roumy, disaient que le Diable n’avait nul besoin de leur faire commettre ce péché-là, pour raisons à lui connues, et que d’autre part, il n’avait pas besoin de ces pinces, en étant amplement fourni, ainsi que de fourches, de broches, de chaudières et autres instruments à faire rôtir et bouillir les damnés.

Pour qu’une farce soit bonne, il faut avoir quelqu’un avec qui on puisse en rire à son aise. Pendant quelques jours, M. de Cardenac garda la chose, mais enfin, n’y tenant plus, il la conta après souper à un de ses amis, avec recommandation, bien entendu, de n’en souffler mot. Cet ami trouvant la farce jolie, la raconta à un autre avec la même recommandation ; celui-ci en fit de même et ainsi de suite, en sorte que bientôt tout le monde le sut.

Il n’y avait que deux lits chez le curé, de manière qu’il fallait nécessairement conclure de cette histoire, que la nièce couchait avec son oncle. Là-dessus grand tapage dans le pays ; les nobles des environs se visitaient pour déplorer ce scandale ; et ce qu’il y avait de curieux, c’est que ceux qui avaient le plus soutenu que la demoiselle Christine était la nièce du curé, à cette heure soutenaient non moins fermement qu’elle ne l’était pas, afin de diminuer un peu la grosseur du péché. Les contradictions ne coûtent guère aux gens, lorsqu’un intérêt qui les touche est en cause.

Les curés du voisinage levaient les bras au ciel