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Page:Eugène Le Roy - Le Moulin du Frau.djvu/325

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Pendant le temps du carnaval on dansait chez Maréchou, et de temps en temps, lorsqu’on était en train, le chabretaïre, au milieu d’une danse, faisait avec sa musique : lirou ! lirou ! lirou ! C’était le signal pour les garçons d’embrasser leurs danseuses. C’est ce fameux lirou ! lirou ! qui faisait tant crier le curé. À l’entendre, toutes les filles qui étaient là, avec leurs mères pourtant, c’était des bringues, des dévergondées, et il protestait qu’elles ne feraient pas leurs Pâques. Mais il y en aurait eu trop ; sans compter que de leur côté les garçons s’étaient donné le mot pour ne pas aller se confesser. Il ennuyait tout le monde, ce curé, aussi un dimanche matin, comme il sortait de chez lui pour aller dire la messe, il vit pendre à l’ormeau proche de l’église, un crible tout percé.

Le sobriquet de chez lui : Crubillou, c’est autant à dire comme petit crible, aussi le curé comprit ce que ça voulait dire et devint tout pâle, mais il n’en dit mot.

Pourtant il avait une bonne commune, et tous les paroissiens, une dizaine s’en faut, ne demandaient pas mieux que d’aller à la messe le dimanche, avant d’aller boire quelques chopines chez Maréchou en mangeant des tortillons. Ils voulaient bien aller prendre les cendres, le lendemain du Mardi-Gras ; faire bénir une branche de laurier ou de buis, le jour des Rameaux ; donner de l’huile au curé pour entretenir la lampe de l’église ; lui laisser les serviettes qu’on mettait en croix sur le cercueil de leurs morts ; en un mot faire tout ce que leurs anciens avaient fait de tout temps ; mais il ne fallait pas non plus les empêcher de s’amuser : Que diable ! avant les Cendres il y a le Carnaval, et si le curé voulait l’abolir, les Cendres ne rimeraient plus à rien ! Ce Crubillou était bien terrible, pour tout ce qui touchait la religion ; pourtant, je crois qu’il était comme d’autres