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Page:Eugène Le Roy - Le Moulin du Frau.djvu/326

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curés, que la jalousie le faisait agir, et qu’il voulait interdire à ses paroissiens les plaisirs qui ne lui étaient pas permis.

Il était tellement peu endurant pour toutes ces choses, qu’ayant ouï dire que chez Maréchou on ne faisait pas toujours bien attention au vendredi et au samedi, rapport aux gens qui venaient des fois à l’auberge, est-ce qu’il n’eut pas le toupet d’y aller un vendredi, lever le couvercle de la marmite pour voir s’il n’y avait pas de viande ? C’est vrai qu’il n’y retourna pas deux fois. Les femmes de la maison, pauvres bestiasses, l’avaient laissé faire, mais Maréchou qui survint là, le renvoya au diable sans se gêner. Ça n’était pas un mauvais homme, mais il n’aimait pas trop les curés, et il ne lui en fallait pas tant pour le mettre en colère.

Mais en voilà assez sur ce curé Crubillou ; j’aime mieux parler de choses plus aimables. Au mois de février 1860, juste le 24, ma femme accoucha d’un drole, et mon oncle dit :

— Celui-là sera bon enfant, car il est né le jour anniversaire de la République. On l’appela François.

Ça me faisait quatre enfants, mais nous ne nous inquiétions pas de ça, car vivant tout simplement, ne faisant point de dépenses inutiles, le blé ne manquait pas au grenier, ni le vin dans le cellier. Nous ne calculions pas, comme font les gens riches, qui n’ont qu’un enfant, parce qu’il faut tenir son rang et autres belles raisons comme ça. D’ailleurs ça aurait été dommage qu’ils ne vinssent pas, les pauvres petits, ils étaient tous bien fiers, et profitaient comme des arbres plantés en bon terrain. Hélie, l’aîné, marchait sur ses dix ans, et c’était un bon petit homme, hardi comme une ratepenade, qui montait sur la jument, grimpait sur les arbres, ne craignait ni froid ni chaud, et faisait déjà des commissions assez loin. Tous les