Page:Eugène Le Roy - Le Moulin du Frau.djvu/327

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jours il montait à Puygolfier avec sa petite sœur Nancette, et la demoiselle Ponsie leur apprenait à lire et écrire. Celui-là était quelque peu le préféré de l’oncle ; il le mettait quelquefois devant lui sur la jument, et l’emmenait à Excideuil ou ailleurs les jours de foire. Né dans un moulin, ce drole allait dans l’eau comme une loutre, et il piquait sa tête dans les endroits profonds de la rivière, que c’était un plaisir de le voir faire.

J’ai laissé tous mes enfants s’élever comme ça à ne rien craindre, ni la pluie, ni le soleil, ni le vent, et ça leur a bien réussi. Ces petits, aussitôt qu’ils pouvaient marcher, couraient à l’eau comme des canous sortis de l’œuf, nus comme des petits sauvages, et grenouillaient là toute la journée, sans crainte de s’enrhumer ou d’attraper des coups de soleil. Été comme hiver, ils étaient toujours dehors, les cheveux comme des broussailles, pleins de poussière ou de boue, suivant le temps, déchirés, dépenaillés, nu-pieds, se roulant partout dans les prés, courant dans les bois, dormant sur la palène, et ne venant à la maison que pour demander à manger. Par exemple, ça revenait assez souvent ; mais une fois que leur mère leur avait coupé un morceau de pain, les voilà repartis à galoper. Cette vie leur a fait un bon tempérament, et, sur huit enfants que nous avons eus, il ne nous en est mort qu’un, la petite Rose, mais c’est le mal de cou qui l’a tuée à quatre mois. Les autres n’ont jamais été malades, et ils sont tous forts, et bons enfants, comme de vrais Périgordins.

Il y a des parents qui ont comme ça des préférences pour quelqu’un de leurs enfants ; moi non. Je mignardais bien davantage, le dernier, le plus petit, mais je les aimais tous pareillement.

Avec ça, ma petite Nancette était si jolie drolette, si aimante pour moi, que l’on aurait pu croire que je la préférais, parce que je l’embrassais plus souvent que