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Page:Eugène Le Roy - Le Moulin du Frau.djvu/374

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peu des curés qu’on avait d’habitude, au bout du compte c’était toujours la même antienne : il n’y avait que la robe de changée et la barbe en plus, alors les gens se ralentirent. Mais ça ne faisait pas l’affaire de ces moines ; aussi le père Barnabé se mit à courir les villages pour racoler les gens. Il entrait dans les maisons comme un effronté, appelant les gens par leur nom ou leur surnom, que lui disait le fils de Jeandillou le sacristain, qui lui faisait voir le chemin, et les entreprenait sur la religion. Comme il parlait fort et avait du toupet, les gens lui promettaient d’aller à l’église, n’osant pas lui refuser, car il se serait fâché. Jusque dans les terres, il allait attraper ceux qui travaillaient, et leur faisait promettre de venir à ses prêchements.

Il paraît qu’on ne s’ennuyait pas trop à l’entendre prêcher, surtout aux hommes, car il avait toujours des histoires risibles à raconter, et, quand au fond de l’église quelques badauds en riaient, il leur envoyait des brocards qui faisaient rire les autres d’autant plus.

Bien entendu, ces deux moines parlaient de sauver la France, et ils disaient que nos malheurs, en 1870, étaient l’effet de notre peu de religion. Ils n’expliquaient pas pourquoi les Prussiens, qui, au bout du compte, n’étaient que des hérétiques, avaient été favorisés de Dieu : mais s’il leur avait fallu expliquer tout ce qu’ils disaient, ça aurait été long.

Ils donnaient à foison des petits papiers, où il y avait des prières qui vous tiraient un défunt du purgatoire, coup sec, et des images avec des cœurs saignants, et aussi des médailles.

Et justement c’est leurs médailles qui furent cause qu’on renvoya mes droles de la classe. Ils étaient allés un jour à la maison d’école, et avaient interrogé quelques enfants sur le catéchisme ; ils avaient fait chanter des cantiques, et finalement avaient distribué