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Page:Eugène Le Roy - Le Moulin du Frau.djvu/395

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choir dessus. Et c’est alors aussi que l’on chante quelque ancienne chanson patoise, ou une vieille chanson française joyeuse, qui célèbre le vin ; ce vin qui rajeunit les vieux et les fait chanter comme les jeunes.

Le carnaval, c’est la fête de la famille rassemblée autour de l’aïeul, de la mère ; c’est la communion de tous, à la même table, dans un même esprit de paix et d’amitié familiales ; et c’est pourquoi, ceux qui se sont privés des joies de la famille, ont eu beau chercher à le faire perdre, sous prétexte que c’est une fête païenne, ils n’y ont rien fait, et ils ont beau crier encore, ils n’y feront rien : le carnaval c’est la fête de la famille.

Quelquefois à cette table, il y a un étranger ; mais cet étranger c’est un ami, sans femme, sans enfants, sans famille, qui serait réduit à faire le carnaval tristement tout seul, et alors on l’invite comme nous faisions tous les ans du pauvre défunt Lajarthe, et la présence de cet étranger à cette table achève de la sanctifier mieux que toutes les bénédictions, parce qu’il y est assis en vertu de la fraternité des hommes.

C’est bien vrai que maintenant le carnaval n’est plus ce qu’il était autrefois ; on n’est plus si content, on rit et on chante moins : les vieux sont plus sérieux et les jeunes sont moins fous. C’est qu’il y a deux choses qui nous poignent : les départements du Rhin et celui de la Moselle aux mains des Prussiens, et nos pauvres vignes mortes.

Cette année de 1874, vu la présence de Fournier, le carnaval fut assez gai ; les amoureux ça met de la joie dans une maison, et si on ne rit pas aux éclats follement, on rit tout de même un peu : que voulez-vous, l’homme a besoin de ça quelquefois.

Mais ce qui fut ennuyeux, c’est que, lorsque le fils Lacaud sut ce mariage, il devint jaloux de Fournier, et pas un peu. Partout, il ne décessait de mal parler de