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Page:Eugène Le Roy - Le Moulin du Frau.djvu/396

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lui, disant que c’était un mauvais avocat sans pratiques, qui n’avait pas réussi à cause de sa bêtise ; qu’il s’était amusé beaucoup à Paris et y avait mangé une grande partie de sa fortune avec les filles ; qu’il était joueur autant que débauché, et un tas d’affaires comme ça. Fournier était un garçon bien droit, bien franc, mais il n’était pas des plus patients. Lorsque ces histoires lui revinrent, il se mit très fort en colère, et dit qu’il frotterait les oreilles de Lacaud. Ils se connaissaient bien, ayant été au collège ensemble, mais ils n’avaient jamais été bons amis, de manière que je craignais que de cette jalousie il n’en vînt de méchantes affaires : quand on ne s’aime pas déjà, il n’en faut pas tant pour que ça tourne mal. Et en effet, tout ça finit par un bon coup d’épée que mon gendre futur ajusta à l’autre.

Heureusement la blessure saigna assez, et avec les soins du médecin, Lacaud en fut quitte pour rester un mois sur l’échine. Mais de cette affaire, aussitôt qu’il fut guéri, son père l’envoya à Périgueux, où il s’amouracha d’une grande bringue de fille, et nous en fûmes débarrassés…

Le lendemain, Fournier vint à la maison comme si de rien n’était, et Nancette ne sut cette bataille qu’après son mariage. Mais nous autres, qui étions en bas lors de sa venue, nous lui serrâmes la main plus fort que de coutume, et mon oncle lui dit : — Vous aviez affaire à une méchante bête, mais vous vous en êtes crânement tiré. Et là-dessus, il fit comme les vieux, il se mit à raconter un duel au sabre qu’il avait eu étant aux chasseurs d’Afrique. Fournier, à qui il tardait de monter à la maison, l’écoutait pourtant par honnêteté, mais ça lui coûtait et pour aller plus vite, il aidait mon oncle à conter son affaire.

Ce même jour, tandis que Fournier était chez nous, se promenant dans le jardin avec Nancette, la pauvre demoiselle Ponsie dévala de Puygolfier, toute