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Page:Eugène Le Roy - Le Moulin du Frau.djvu/412

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— Eh bien, Victoire, c’est à toi de donner le bon exemple ; te voilà majeure, il est temps d’y penser.

— Mais j’y pense, Monsieur Vigier !

— À la bonne heure ! Et fais-moi bientôt passer le contrat : je suis bien vieux, mais ce jour-là je ferai ma barbe de frais pour prendre mes droits.

— Oui, c’est ça, et elles s’en furent en riant.

— Tout en plaisantant, c’est un bon parti, cette drole, et puis elle n’est pas mal. Qu’en dis-tu, petit ?

— Elle est un peu brunette, dit Hélie, mais point déplaisante.

— C’est que, vois-tu, elle va dans les terres porter le manger à son monde et que le soleil l’a crâmée. Depuis la mort de sa mère, c’est elle qui tient la maison ; ce sera une bonne femme de ménage.

Au bout d’un moment, Hélie trouva des garçons de sa connaissance et ils allèrent danser. À ce qu’il paraît qu’il dansa avec Victoire et qu’ils se convinrent, car depuis, tous les dimanches, il s’en allait à Saint-Germain pour la voir.

La fin de tout ça, c’est que M. Vigier passa le contrat d’Hélie comme il avait passé le mien. C’est au carnaval de 1877, qu’ils se marièrent. Pour la noce de son frère, Bernard demanda une permission et vint, tout fier d’être caporal depuis quelques mois, quoiqu’il n’y eût guère qu’un an qu’il était parti.

Quand les nores viennent dans les maisons où il y a encore leur belle-mère, il advient souvent qu’elles ne marchent pas d’accord. Ça se comprend : les femmes qui ont depuis longtemps le gouvernement de la maison veulent rester maîtresses, et les jeunes qui arrivent, ont d’autres idées, et voudraient faire à leur mode. Heureusement Victoire avait bon caractère, et ma femme était si bonne, qu’elle cherchait toujours à faire plaisir à sa nore, de manière qu’elles s’entendirent bien.

L’année se passa comme ça, tranquillement, sans