Page:Eugène Le Roy - Le Moulin du Frau.djvu/422

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afin de passer officier. C’est maintenant, dit-il, que je vais me servir de ce que j’ai appris à Excideuil, et je tâcherai que vous ne plaigniez pas l’argent que je vous y ai mangé.

Officier ! avec une épaulette d’or ! cette idée faisait grande joie aux petits, et à nous autres, ça nous faisait quelque chose aussi. Le fils d’un paysan, d’un meunier, officier et en passe de monter haut ; que voulez-vous que je vous dise, on est des hommes.

— Qui sait, dit mon oncle, vous autres le verrez peut-être commandant ou colonel ; sous la grande République, il ne manquait pas de fils de paysans montés jusque-là et plus haut. Pour moi, tout ce que je demande, c’est de le voir simple officier avant de m’en aller.

— Oh ! oncle, dit ma femme, vous êtes fier et bien en santé, vous le verrez mieux que ça.

— Oui, ma fille, je suis fier, mais j’ai soixante-quinze ans, et je ne suis plus qu’une vieille lure.

— Voyons, dit François, on a mis en bouteilles, il y a deux ans, une demi-barrique de vin vieux pour quand on serait malade. Personne ne l’a été, Dieu merci, et il faut espérer que personne ne le sera de longtemps. Mais comme ça on n’en boirait jamais et il se gâterait. D’ailleurs, il vaut mieux boire le bon vin quand on est fier que quand on est malade, on le trouve meilleur. Si le père le veut, je vais en aller chercher deux ou trois bouteilles pour arroser les galons de Bernard.

— Vas-y mon drole, tu as une bonne idée.

Et quand il fut remonté, on trinqua et on but à la santé du sergent-major.

Le lendemain je fus avec Bernard à la Fayardie, et le mardi Fournier vint faire carnaval chez nous avec Nancette et le petit. Nous étions treize de la famille en le comptant, ça faisait une jolie tablée. La grande Mïette au fond faisait quatorze. Ce soir-là, nous