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Page:Eugène Le Roy - Le Moulin du Frau.djvu/426

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entreprendre les affaires pour ton compte. Je te chercherai une place, soit à Barnabé ou à Sainte-Claire, ou bien à Saint-Astier ; je connais les messieurs et je pense y arriver.

— J’aurais mieux aimé attendre ici, qu’il dit, mais je vois que tu as raison, je partirai quand il le faudra.

Je ne trouvai pas à le placer dans les minoteries d’autour de Périgueux, et il lui fallut aller du côté de Ribérac.

C’était un garçon sage, Yrieix, attentionné à son travail et sachant se faire aimer. Aussi, d’abord qu’il fut là-bas, son bourgeois prit confiance en lui, si bien que l’année d’après, il lui augmenta ses gages.

Et puis il se maria avec sa bonne amie. Sa mère était veuve, et elles étaient si pauvres que ma femme en avait compassion ; et, voyant cette fille rester sage pendant un an que notre drole fut là-bas, sans parler à personne, elle l’affectionna, et en cachette, pour ne pas la mortifier, elle lui donna des nippes et tout le linge pour monter son petit ménage. La noce se fit au Frau, bien entendu, et puis après Yrieix emmena sa femme.

Voilà comment ça va dans les familles ; il y en a qui montent et d’autres qui descendent. La Nancette avait pris un homme riche, Bernard était officier, et le pauvre Yrieix, lui, était garçon dans une minoterie. Fournier élevait ses enfants bien simplement, à la mode campagnarde ; mais avec ça, il les faisait instruire en pension et leur donnait des idées sur des choses dont la femme d’Yrieix n’avait jamais ouï parler ; de manière que plus tard, les cousins germains, fils de Nancette et fils d’Yrieix, venant à se rencontrer, il y aurait eu tant de différence entre eux qu’ils ne se seraient jamais pris pour parents. J’imagine que beaucoup de gens pauvres, qui portent le même nom que des familles riches, proviennent de la même souche et de frères qui n’ont pas réussi ou