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Page:Eugène Le Roy - Le Moulin du Frau.djvu/67

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griller des marrons sous les charbons. Ah, que c’était bon de manger comme ça dans les bois !

Le bissac bondé de marrons fut attaché sur la bourrique et nous redescendîmes vers le moulin. Ma grand’mère remercia bien la demoiselle de m’avoir emmené ; mais elle se mit à rire, m’embrassa encore, remonta sur sa bourrique et s’en fut vers Puygolfier.

Une autre fois encore… mais à ce moment mon oncle entra dans la chambre : Allons ! allons ! mon vieux, le soleil est levé depuis un moment ; saute du lit. Il me faut aller du côté de Verdeney parler à un couvreur pour faire repasser le toit du moulin ; ça te promènera.

Après avoir cassé une croûte, et bu un verre de vin gris, mon oncle prit son fusil en cas de bonne rencontre, et je le suivis.

À deux cents pas du moulin il y avait une drole d’une douzaine d’années, qui touchait un troupeau de brebis.

— Tiens, Nancy, dit mon oncle, ça tombe bien, te voilà ta foire. Et il lui donna les bagues de la Saint-Mémoire.

— Grand merci, notre Monsieur, dit la petite.

— Tu mènes tes brebis dans les raisses, ajouta mon oncle ; donne-toi garde de les laisser entrer dans la coupe jeune.

Cette petite me fit impression par sa figure calme et sérieuse. Sous son bonnet d’indienne, devenu trop petit, d’épais cheveux noirs sortaient de partout. Ses sourcils étaient bien recourbés, et, sous de longs cils noirs, ses yeux gris bleu avaient une assurance tranquille qui m’étonnait, car les drolettes de chez nous étaient nices en ce temps, et n’osaient regarder les gens.

— C’est la petite bâtarde de chez le bordier, dit mon oncle.

— Je ne l’aurais pas reconnue.