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Page:Eugène Le Roy - Le Moulin du Frau.djvu/68

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— C’est qu’elle a grandi et s’est bien faite ; et avec ça plus de raison et de sagesse que bien des filles de vingt ans. Ça aurait été dommage de laisser cette drole sans lui faire apprendre quelque chose. Mais j’ai eu bien du mal à obliger Jardon à la laisser aller ces hivers chez la vieille demoiselle Vergnolle. Elle n’y a pas appris grand’chose, car la pauvre fille ne peut enseigner que ce qu’elle sait, et elle n’en sait pas long. Ça m’a coûté six écus, mais je ne les plains pas ; aujourd’hui la Nancy sait lire, écrire et compter un peu. Il faut dire aussi que la demoiselle Ponsie lui montre quelquefois, et lui a prêté des livres de classe, moyennant quoi elle a étudié un peu par-ci par-là, en gardant ses moutons, ou le soir à la veillée.

Arrivé à Verdeney, mon oncle s’entendit avec le couvreur, et nous fûmes revenus pour manger la soupe.

Après déjeuner, Gustou chargea des sacs sur une mule et sur la jument ; mon oncle prit son fouet, et partit pour rendre de la farine aux pratiques.

— Donne-moi la clef ? lui dis-je.

La clef, point d’autre explication ; mais il savait ce que je demandais. Il tira une clef de sa poche.

— Tiens, et ne dérange rien.

Là-dessus il fit claquer deux ou trois fois son fouet, et suivit ses bêtes.

Notre moulin était planté sur la rivière comme un pont. En le traversant, on allait, du bord, à l’îlot formé par le trop plein des eaux du goulet, autrement dit du bief, qui passaient sur l’écluse, et faisaient un bras de rivière qui allait à deux cents pas en aval rejoindre les eaux qui faisaient tourner les meules. De l’îlot, on passait sur l’autre rive, par un gué longé de grosses pierres que les piétons enjambaient tandis que leurs bêtes, quand ils en avaient, suivaient le gué.

À l’entrée du moulin était un espace libre, où