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Page:Eugène Le Roy - Le Moulin du Frau.djvu/72

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nille ou une barbote chue des feuilles, et le cercle formé par le remous, allait s’agrandissant toujours et finissait par disparaître. Des fois, un martin-pêcheur passait d’une rive à l’autre comme une flèche empennée de bleu, en jetant son petit cri aigu ; ou bien un rat d’eau traversait la rivière en laissant derrière lui un long sillage. Dans le bois, on entendait le bruit sourd du pic sondant un arbre à coups de bec.

C’était une vue plaisante que celle-là, aussi je restai là, toute l’après-dînée, lisant et regardant, et je ne descendis que vers le soir, lorsque le fouet de mon oncle se fit entendre. Je ne m’en suis jamais fatigué, et encore aujourd’hui, quarante-cinq ans après, de la vieille table où j’écris ceci, je pose souvent la plume dans l’écritoire pour regarder.

Voici un an, que les dimanches je m’amuse à coucher par écrit ces histoires de jadis, et j’ai vu ce tableau changer plusieurs fois.

Au printemps rien n’est encore formé ; les bourgeons ne sont pas développés, la verdure est claire, l’herbe des prés commence à pointer ; c’est le temps où les droles font des chalumeaux avec des branches de saule : sève, sève… c’est le renouveau de la terre ; les oiseaux dans le taillis prochain, babillent et font l’amour, et on entend au loin le coucou chanter dans les bois.

Dans ce moment où j’écris ; en novembre, les feuilles jaunissent et tombent. Dans les taillis, le feuillage couleur de tan du chêne se mêle aux feuilles jaunes du châtaignier et aux feuilles grisâtres des noisetiers, tandis que par places les cerisiers sauvages piquent sur ce fond leurs belles couleurs rouges. Toutes ces couleurs se nuancent selon l’âge ou la vigueur des arbres, pour se fondre vues de loin, dans ces belles teintes des bois à l’automne. Seuls les peupliers déjà dépouillés dressent triste-