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Page:Eugène Le Roy - Le Moulin du Frau.djvu/74

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neige, jusque vers Saint-Raphaël. Plus rien : les gens sont chez eux au coin du feu, les bestiaux à l’étable, et les oiseaux des bois à l’abri sous les mères branches des arbres ; plus rien, si ce n’est de temps en temps une pétée au loin qui rappelle aux soldats de l’hiver de 1870, les coups de fusil des avant-poste… Revenons au moulin.

J’ai oublié de dire jusqu’ici, que cette année-là, 1844, le 26 mai était tombé un dimanche, de manière que la foire avait été repoussée au lundi et mardi. Je ne parle pas du troisième jour qui, dès cette époque, n’était guère plus rien pour le commerce ; on y voyait plus de gens faisant la noce que des affaires.

Le surlendemain de ma venue au Frau était donc un jeudi, jour de marché à Excideuil, et mon oncle y ayant des affaires, j’y fus avec lui.

Pour dire la vérité, je ne m’amusai pas beaucoup ce jour-là. Je fis souvent, en suivant mon oncle, le chemin du foirail au minage, et du minage à la place des cochons, où il fallut en acheter deux que Jardon, le bordier, emmena. Nous passâmes je ne sais combien de fois dans la rue des Cordeliers, sans parler des entrées dans les cafés ou les auberges pour chercher quelqu’un à qui mon oncle avait affaire. De temps en temps, nous rencontrions des gens qui l’accostaient, lui secouaient la main, et après les informations sur la santé : Comment ça va ? et chez toi ? disaient en me regardant : Qui est ce drole ?

Sur la réponse de mon oncle, ils se mettaient alors à parler des affaires de la politique, et de ce qui se passait. Et ma foi on ne disait pas de bien des gens qui étaient à Paris à la tête. Les principales choses dont on se plaignait, c’était que le sel était trop cher et les impôts mal répartis. La loi nouvelle sur les patentes faisait crier les gens de métier ou de commerce qui payaient cet impôt. Mais tous et un chacun