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Page:Eugène Le Roy - Le Moulin du Frau.djvu/75

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se révoltaient de bien travailler, de payer les tailles, les prestations des chemins, les patentes et tout, et de n’être rien, vu qu’il n’y avait d’électeurs que ceux qui en payaient jusqu’à deux cents francs, ce qui était beaucoup en ce temps. On se vengeait de ça, en brocardant sur quelques-uns du pays, qui avaient plus de terres que d’esprit et de bon sens. On ne disait pas guère de bien de nos députés non plus. Comme il était du pays, que c’était un général, et qu’il faisait beaucoup travailler à la Durantie, on ne parlait pas du maréchal Bugeaud, mais les autres députés étaient mal arrangés. Lorsque mon oncle disait qu’il y avait une nouvelle loi pour empêcher de chasser sans payer vingt-cinq francs, et un tas de règlements qui n’en finissaient plus pour tuer un lièvre, alors les gens juraient, et ne se gênaient pas pour traiter de canailles, de gueux, tous les messieurs qui voulaient rétablir à leur profit les anciens droits des nobles, au moyen de l’argent. Il y avait surtout un homme de Cubas qui se mit fort en colère. Il disait qu’il faudrait recommencer la Révolution, parce que les bourgeois et les nobles s’entendaient pour remettre le peuple à ce qu’il était autrefois ; et il assurait que dans son endroit, tout le monde était de cet avis.

— Tant mieux ! faisait mon oncle, et que tout le département et toute la France puissent penser ainsi !

Ç’a toujours été un grand sujet de mécontentement que cette loi sur la chasse. Chez nous, tout le monde a son fusil au-dessus de la cheminée, et celui qui s’en va couper de la bruyère, ou abattre un arbre dans les bois, ou faire le tour de son bien, emporte son fusil avec lui. Les charbonniers qui travaillent pour les forges, ont le leur dans leur cabane, et les mineurs qui cherchent le minerai, le cachent dans le creux d’un châtaignier. Dans les foires et les marchés, on ne voit que gens avec leur fusil. Aussi cette loi faite