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Page:Eugène Le Roy - Le Moulin du Frau.djvu/85

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Elle marchait, ou montait sur sa bête, suivant le chemin. Moi je tenais la bride, le long des grosses pierres, pour l’aider à monter, et ensuite j’allais derrière, touchant la bourrique avec une verge de châtaignier. Je ne me lassais point de la regarder, de l’admirer, avec ses petits frisons d’or dans le cou. Lorsqu’elle se tournait vers moi, je me baignais, il me semblait, dans ses beaux yeux bleus si bons. Quelquefois, je courais devant dans les taillis, pour écarter une branche qui pendait sur le chemin. Quelle belle journée ! J’avais oublié le moulin, la Préfecture et tout : J’aurais voulu que Prémilhac fût aussi loin que Limoges.

Notre chemin était par la Boudelie et Magnac, mais nous prenions quelquefois des traverses. Au passage du ruisseau du Ravillou, ce fut le diable ; la bourrique ne voulait pas passer.

— Descendez, dis-je à la demoiselle ; quand vous ne serez plus sur la bourrique, je la ferai bien passer de force, et après ça, je vous traverserai sur mes bras, vous ne vous mouillerez pas.

Elle se mit à rire en secouant la tête :

— Nenni, tu me jetterais peut-être dans l’eau.

Je ne sais pourquoi, mais il me montait dans l’idée, une envie folle de la passer comme ça dans mes bras.

— N’ayez crainte, demoiselle, je suis fort, plus fort qu’il ne faut, vous ne risquez rien.

Mais elle ne voulut pas entendre à ça, et ayant inutilement essayé de la persuader, je mis mon mouchoir sur les yeux de la bourrique, et je la poussai dans le ruisseau que je lui fis traverser en reculant, la demoiselle toujours dessus et riant.

Nous arrivâmes enfin dans cet ancien village de Prémilhac, où on voit des restes d’anciennes constructions, des marques d’antiques murailles, que dans le pays on dit être l’ouvrage des Anglais. Ça n’est peut-être pas vrai, et il y en a qui disent que