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Page:Eugène Le Roy - Le Moulin du Frau.djvu/84

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plupart, que des caricatures sur Louis-Philippe, sa famille et son gouvernement. Il faudrait une heure pour les mentionner toutes. Le roi des Français était toujours représenté avec une tête de poire ! Il y avait une de ces images représentant un musée, où tous les tableaux, paysages, monuments, portraits, objets quelconques, ressemblaient à des poires ; et parmi les messieurs qui regardent, en voici encore en tête de poire, avec un parapluie…

J’en étais là de ma revue, lorsque la demoiselle redescendit. Qu’elle était jolie avec sa collerette à pointes découpées, sa robe froncée avec une boucle dorée à la ceinture, des manches à gigot, et une jupe courte qui laissait voir le bas des jambes, où des rubans noirs s’entre-croisaient sur les bas blancs, pour tenir le petit soulier ! Elle portait dans une couverture de berceau, tout plein de petites affaires d’enfant : drapes, maillots, brassières et des petits bonnets qu’elle mettait sur son poing pour me faire voir. Pauvre chère demoiselle ! comme on voyait bien qu’elle avait fait tout ça avec affection, et qu’elle aurait été bien contente d’avoir à elle de petits enfançons à habiller. Elle avait pour lors vingt-six ans ; elle aurait été une bonne mère ; elle méritait d’être heureuse, mais le sort ne l’a pas voulu, et elle restait au crochet, ou à la pendille, comme disait mon oncle.

Toutes ces petites nippes furent bien pliées, et mises dans un grand cabas attaché au panneau de la bourrique, et après ça en croupe, la grande Mïette attacha encore un bissac plein de vivres. Quand tout fut prêt, la demoiselle noua un foulard sur sa tête, et nous voilà partis.

En sortant de la cour je demandai un peu tardivement des nouvelles de M. Silain.

— Ah ! répondit la demoiselle, mon père est à chasser les loups à Jumilhac, avec des messieurs du Limousin ; qui sait quand il reviendra.