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Page:Eugène Le Roy - Le Moulin du Frau.djvu/95

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avoir lu l’Émile, il avait voulu faire apprendre la menuiserie à son fils ; mais celui-ci avait préféré s’engager dans les dragons du marquis de Gontaut. Voyant cela, son père avait pris lui-même un état, en se mettant bravement à labourer sa réserve, ce qui l’avait rendu si populaire, qu’il était resté tranquillement chez lui pendant la Révolution.

Pour son petit-fils, M. Silain, il n’avait d’autre état que de chasser, et de mener une vie très active en ne faisant rien. Un noble de ses voisins, lui faisait passer des paquets de gazettes, mais il s’endormait en les lisant. À l’égard des livres, il ne les supportait que dans un cabinet de lecture de Périgueux, où il faisait quelquefois de longues pauses. Même encore, les mauvaises langues disaient que ce n’était pas pour les livres qu’il y allait, mais pour la dame du cabinet, jolie blonde devant laquelle les officiers passaient en retroussant leurs moustaches.

Que ce soit vrai ou non, M. Silain était alors dans son cabinet en train de mettre ses bottes.

— Ha ! dit-il, te voilà, futur scribe ! en attendant que tu grattes le papier de ce gueux de Philippe, tu vas m’aider à coupler les chiens ; prends les couples, moi je prends mon fouet.

Les chiens hurlaient au chenil, sentant le départ. Une fois couplés, à la réserve d’un vieux sage chien, M. Silain les laissa aller de la cour du chenil dans la grande cour. Après ça il mit son fouet dans sa botte, détacha sa jument, l’enfourcha et partit pour la forêt de Lammary.

Où était donc la demoiselle Ponsie ? Je ne l’avais pas vue. Ayant regardé dans le salon à manger, où elle se tenait d’habitude, puis dans le jardin, et ne la trouvant pas, je revins à la cuisine. À ma question, la grande Mïette répondit :

— Ah ! la demoiselle est allée au bourg voir la nièce de M. le Curé.