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Page:Eugène Le Roy - Le Moulin du Frau.djvu/96

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Je redescendis au Frau tout déferré.

Le lendemain je la trouvai, mais il me sembla qu’elle était moins gaie que d’habitude. Presque toute l’après-dîner, elle se tint dans la petite cour à raccommoder du linge. Elle était assise sur une chaise, le long du mur, et appuyait ses pieds sur une autre chaise où était son linge. Sa fine tête et ses beaux cheveux, baignés de lumière, se détachaient en clair sur le vieux mur décrépi et tout écaillé. Qu’elle était jolie ainsi ! Je dis toujours la même chose, mais c’est que de toutes les manières, je la trouvais belle. Je restai longtemps immobile à la regarder, répondant à ses questions, mais ne me souciant de rien, si ce n’est de jouir de sa présence.

Elle sentait mes regards attachés sur elle ; c’était sans aucune mauvaise idée, je la regardais et l’admirais naïvement, mais cela la gênait sans doute, car elle me dit de lui lire quelque chose.

Je m’en fus dans le cabinet de M. Silain, et j’y pris un livre ; c’était La Nouvelle Héloïse.

Je me mis à lire tout haut ; mais ces lettres interminables, ce bavardage prétentieux, me fatiguèrent bientôt. Je l’avoue d’ailleurs, je ne comprenais rien à tout cet étalage de sentiments ; tout cela me paraissait faux et artificiel, et partant ne m’intéressait point.

— Cela ne t’amuse guère, dit la demoiselle en souriant : laisse-le, va, en voilà assez.

J’allai replacer le livre et je revins. En même temps les sabots de la grande Mïette se faisaient entendre sous la galerie. Elle venait dire à la demoiselle que le métayer demandait à lui parler.

Sur cet avis je dis le bonsoir, et je m’en fus assez triste.

Le temps se passait cependant. Le surlendemain, chez Puyadou firent dire à mon oncle, par un homme qui venait au moulin faire moudre, que ma mère me