Page:Eugène Le Roy - Les Gens d’Auberoque, 1907.djvu/16

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dit : « Que voulez-vous faire à ça, mon pauvre ? Il vous faut prendre patience », l’homme fit son « adieu-sois », remonta sur son siège, et la voiture repartit, au trot lourd des chevaux, marqué par les grelots des colliers qui sonnaient assourdis dans la nuit pluvieuse.

À Saint-Génissac, la messagerie s’arrêta pour relayer à l’auberge du Chêne-Vert, tout près de l’église, dont les vieilles murailles grises se dressaient à peine visibles dans l’obscurité. Tandis que les chevaux fumants s’en allaient lentement vers l’écurie, remplacés par d’autres qui venaient, résignés, prendre leur place, le voyageur du coupé regardait fixement la lueur incertaine de la lampe du sanctuaire brûlant dans le silence nocturne. Puis, comme il s’hypnotisait à cette contemplation, la lueur disparut subitement, la lampe éteinte par la négligence du marguillier, ou le battement d’ailes d’une ratepenade venue boire l’huile.

Et la diligence se remit péniblement en marche, les chevaux pataugeant lourdement dans la boue de la route. À mesure qu’elle avançait, il semblait au jeune homme qu’elle s’enfonçait toujours davantage dans la nuit de poix, et il s’abandonnait aux cahots, regardant sans voir l’ombre épaisse à travers les vitres embuées et battues de la pluie. Cela dura encore des heures, puis les chevaux se mirent au pas et commencèrent à monter une côte raide et longue.