Page:Eugène Le Roy - Les Gens d’Auberoque, 1907.djvu/18

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reuse femme de quarante ans, fraîche et accorte sous sa coiffe à la mode du pays.

— Non, madame, mais je n’ai pas grand’faim.

— Tout de même, vous ferez bien de prendre quelque chose… Vous allez voir : dans un instant, tout sera prêt.

Et, tandis qu’elle allait et venait par la cuisine, préparant le dîner, l’hôtelière jetait un coup d’œil sur ce beau garçon, que la servante, grosse fille un peu nice, dévisageait, elle, ouvertement, en essuyant les assiettes.

— Vous êtes sans doute le nouveau receveur de l’enregistrement qui remplace monsieur Duboisin ? dit la dame, n’y tenant plus.

— Lui-même, madame, répondit le jeune homme en souriant un peu.

— Ah ! tant mieux, fit l’hôtesse naïvement ; j’espère que vous ne vous déplairez pas trop à Auberoque. L’endroit n’est pas bien beau, mais il y a de la société. Ces messieurs viennent au café ici.

Cependant, tout étant prêt, la servante, qui portait une soupière, précéda le voyageur dans une grande pièce à toutes fins : salle à manger et café. En ce moment, c’était un café : autour d’une grande table ronde, des gens jouaient au vieux jeu de l’hombre, entourés de quelques oisifs qui commentaient les coups. À travers la fumée du tabac, sous la lueur jaunâtre d’une lampe au schiste, les figures des