Page:Eugène Le Roy - Les Gens d’Auberoque, 1907.djvu/258

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une salle du Café du Périgord on dansait au bruit d’un cornet à pistons et d’un trombone à coulisse, embouchés par deux artistes au nez rouge venus de Sarlat. C’était un bal public et populaire où le beau monde d’Auberoque ne se montrait pas. Les danseuses étaient coiffées en cheveux, avec des foulards ou des bonnets de linge, et leur mouchoir était noué à la taille pour préserver la robe de la main suante de leurs cavaliers. Ceux-ci étaient pour la plupart un peu allumés et gardaient leur chapeau en arrière sur la tête, ou mâchaient au coin de la bouche un bout de cigare d’un sou. À la mode faraude de la campagne, ils tapaient de grands coups de pied sur le plancher, d’où s’élevait une poussière qui se mêlait à la fumée des quinquets, et, parfois, faisaient pirouetter leurs danseuses en les enlevant dans leurs bras. Une odeur âcre de gousset s’exhalait de tous ces corps échauffés et prenait à la gorge : aussi mademoiselle Duffart fit-elle un peu la grimace en entrant, mais elle surmonta cela promptement, et, en bonne sœur, sacrifia ses répugnances au devoir de faire de la popularité au profit de M. Duffart :

— Ce n’est pas le tout que de s’amuser : il faut penser à la réélection !

Elle dansa donc avec John, puis avec quelques coqs de village enhardis par ses airs bonne fille. Elle eut du succès d’ailleurs, notamment en faisant face à John dans un cavalier seul, où elle esquissa des