Page:Eugène Le Roy - Les Gens d’Auberoque, 1907.djvu/276

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Elle souriait doucement, confiante :

— Je penserai à vous, alors.

Et ils se regardaient un instant, le cœur plein, heureux de se sentir l’un à l’autre.

Lorsque, vers dix heures, après le thé obligatoire, M. Lefrancq avait pris congé des dames Monturel, il revenait chez lui accompagné jusqu’à sa porte par le percepteur, qui l’entretenait des avantages qu’il comptait faire à sa fille en la mariant.

Chez le juge, les invitations étaient beaucoup plus rares : comme disait la vieille dame Desguilhem, « ils craignaient la dépense ». M. Lefrancq n’y avait dîné qu’une fois, et avait été assassiné tout le temps des œillades de mademoiselle Bernadette, et de la description du château de Césenac destiné à l’aînée…

Par bonheur tout cela ne faisait par an que cinq ou six soirées « perdues », comme disait M. Lefrancq à Michelette. Les autres, ils les passaient ensemble, l’été, sous un tilleul du jardin ; l’hiver, au coin du feu, dans la grande cheminée de la cuisine. Pour la commodité, M. Desvars avait rétabli la communication entre les deux jardins, en rouvrant une petite porte à claire-voie condamnée. Michelette avait été très heureuse de cela : il lui semblait que cette communication rétablie ajoutait à leur intimité, et que par cet acte matériel son père approuvait ses sentiments. La vérité pure était que M. Desvars, absorbé par ses machines, ne s’était jamais aperçu de l’amour