Page:Eugène Le Roy - Les Gens d’Auberoque, 1907.djvu/283

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polie ou à une clef. Au-dessus de la cheminée, un vieux miroir au cadre dédoré laissait apercevoir dans son verre au tain lépreux un léger reflet de clarté, comme une lucarne ouverte sur l’infini ténébreux. Dans le lit à ciel, drapé de rideaux de vieille siamoise à flammes, le pauvre inventeur était couché, les yeux clos, la respiration faible. Sa tête amaigrie, exsangue, reposait sur l’oreiller avec lequel ses cheveux blancs se confondaient ; et une barbe rude, poussée depuis sa maladie, virilisait sa figure ordinairement placide et rasée.

De chaque côté du lit, Michelette et M. Lefrancq veillaient en silence, épiant un léger mouvement du moribond, écoutant son souffle à peine sensible. Nul autre bruit, si ce n’est parfois le trottinement presque imperceptible d’un rat sur le plancher du grenier, ou, en bas, dans la cuisine, le déclenchement bruyant de la vieille horloge sonnant les heures dans sa boîte de noyer. La désolée Michelette, assise, un bras sur le lit, reposait sa jolie tête alanguie au dossier de la chaise. De l’autre côté, M. Lefrancq laissait ses yeux attristés errer vaguement sur les enfoncements obscurs, et songeait à ces choses funèbres qui voltigent autour du lit des mourants. De temps en temps, ils échangeaient quelques paroles d’une voix basse, pareille à un chuchotement, comme effrayés de ce silence sinistre qui semblait anticiper sur celui du cimetière.